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"Il est encore trop tôt pour créer un fonds à terme (buy & hold) sur les convertibles"​

Antony Vallee, Portfolio-Manager Fixed-Income

Les périodes de turbulences sur les marchés boursiers sont souvent propices à l’apparition de nouvelles opportunités pour les gérants. Mieux vaut pourtant y regarder à deux fois avant de suivre une idée de placement pourtant très séduisante de prime abord.

Surtout lorsqu’il s’agit de booster une épargne qui fait parfois du surplace. Explications.


Vous qui êtes spécialiste des placements en obligations convertibles, le retournement observé sur les marchés financiers n’a-t-il pas constitué un signal d’achat opportuniste pour vous ?

En tant que gérant fondamental, je suis en effet toujours à l’affût de nouvelles opportunités. Entre 2019 et 2021, le marché des obligations convertibles a ainsi été particulièrement dynamique du point de vue de l’émission de nouveaux papiers. Or depuis quelques mois, le retournement en bourse de certaines sociétés de technologies justement émettrices d’emprunts convertibles a attiré mon attention. Suffisamment pour que je décide, voici 3 mois, de construire des portefeuilles « théoriques » afin d’observer ce que pourrait donner la détention de certains emprunts jusqu’à leur maturité. Les portefeuilles affichaient alors des rendements compris entre 5% et 7%.

Une opportunité semblait donc en train de naître ?

Tout à fait. Ou du moins, le début d’une idée d’opportunité. Les rendements reflétaient à l’époque des niveaux en ligne avec ce que l’on pouvait attendre compte tenu du niveau moyen des spreads de crédit. Si l’on reprend aujourd’hui les mêmes portefeuilles, les rendements sont désormais compris entre 8% et 11% ! Si, de prime abord, cela semble beaucoup plus attractif, ces niveaux reflètent aussi la dégradation générale du marché depuis le début de l’année.

Ces chiffres semblent suffisamment encourageants pour que certains envisagent peut-être de lancer des fonds à terme (buy & hold) avec des obligations convertibles. C’est un phénomène qui s’observe à intervalles réguliers sur cette classe d’actifs.

Qu’en pensez-vous ?

En effet, si l’on ne s’intéresse qu’à cet angle du rendement, l’idée paraît judicieuse. De prime abord seulement.

Comment cela ?

Lorsque j’ai constitué ces portefeuilles à titre d’observation, je pensais que la situation se dégraderait davantage sur les convertibles qui présentaient ce que j’appelle un profil obligataire à haut rendement. Autrement dit, qu’il serait possible de bénéficier au moment du lancement d’une décote ou d’un rendement additionnel plus important que les niveaux observés en moyenne sur les autres emprunts. Historiquement en effet ces obligations offrent, pour une durée de vie et une notation équivalente, 2% de rendement en plus à terme par rapport aux obligations traditionnelles.

Le surcroît de rendement n’est pas assez important aujourd’hui pour offrir dans les meilleures conditions une stratégie de buy and hold sur des obligations convertibles ?

En effet. Ce rendement supplémentaire, qui vient compenser des coupons plus faibles (voire même nuls !) perçus tout au long de la durée de l’emprunt, est aujourd’hui le même qu’au mois de janvier. Lequel est lui-même identique au niveau observé d’un point de vue historique.

Résultat, les rendements sur les obligations haut rendement (high yield) se révèlent donc tout aussi intéressants que ceux observés sur ces obligations convertibles que certains pourraient envisager de mettre dans un fonds buy & hold.

A quoi s’exposeraient des investisseurs en désaccord avec votre vision du marché ?

Nous avons lancé et géré de nombreux fonds a maturités dans le passé sur la base de ce principe de buy & hold. L’expérience nous a appris que deux conditions doivent être réunies pour que ce type de stratégie se révèle plus intéressant qu’un investissement dans des emprunts obligataires de haut rendement classiques. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui.

Pouvez-vous nous expliquer plus précisément ces deux conditions auxquelles vous faites allusion ?

Pour réussir votre fonds buy & hold, il vous faut tout d’abord privilégier des maturités inférieures ou proches de 3 ans. En effet, les obligations convertibles dont il est question ne versent souvent aucun coupon et sont en plus émises « sous le pair » c’est-à-dire à un prix inférieur à leur valeur nominale. L’idée est donc d’acheter ces produits et de se mettre en situation de les voir rapidement converger vers le pair. Aujourd’hui ce n’est pas du tout le cas puisque les maturités des emprunts se concentrent autour de 2026. En d’autres termes, les investisseurs risquent d’acheter des titres qui ne s’apprécieront pas ces deux prochaines années.

Et la deuxième condition ?

La deuxième condition consiste à pouvoir bénéficier d’une dislocation de marché afin de rendre le produit plus intéressant que le haut rendement (high yield) classique. Je ne pense pas que nous en soyons là pour le moment.

A ce jour 32% du marché mondial des emprunts convertibles affiche un rendement supérieur à 5% (en dollars) et 10% du marché affiche même un rendement supérieur à 10% ! Certes hors normes, ces chiffres reflètent surtout le fait qu’une grande partie du marché des convertibles se compose de titres émis par des sociétés du secteur technologique. Après avoir atteint des niveaux de valorisation stratosphériques, celui-ci a connu une forte correction en bourse depuis six mois. Mais cette baisse n’est peut-être qu’une première étape avant une autre descente de plus grande ampleur. Si cela devait être le cas, on pourrait alors assister à un phénomène de capitulation des investisseurs. Un tel évènement constituerait alors une fenêtre d’opportunité pour lancer un produit très compétitif par rapport au haut rendement (high yield) classique. En attendant, il convient de rester attentif.

Aujourd’hui, que faites-vous concrètement dans vos fonds obligataires ?

Dans nos portefeuilles, nous restons toujours très prudents. Le portefeuille du fonds Sustainable Income Opportunities est ainsi complètement protégé contre la hausse des taux d’intérêt européens. Et nous considérons que si le haut rendement offre des niveaux attractifs, il reste néanmoins très vulnérable dans ce contexte de ralentissement de la croissance.

Nous suivons aussi de près certains des titres que nous avons placés sous surveillance en créant les portefeuilles « théoriques » dont je vous ai parlé au début de notre échange. Il s’agit en effet de très prometteuses opportunités qui doivent être mises en concurrence avec toutes celles qui peuvent apparaître sur le marché du crédit. A ce jour, nous n’avons pris que quelques positions. Nous savons qu’il faudra encore attendre avant de déployer cette stratégie de manière optimale et pouvoir alors bénéficier des meilleures opportunités qui ne manqueront pas de se présenter compte tenu de la richesse du gisement des obligations convertibles.

Dans l’immédiat, le marché des émetteurs de qualité (Investment Grade) aux États-Unis nous semble être redevenu très attractif et représente une belle opportunité pour construire des positions. Nous augmentons progressivement notre exposition sur ce segment.

Vous l’aurez sans doute compris, ces douze prochains mois promettent d’être passionnants !

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