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"Quand tous les actifs baissent, la stratégie "quant"​ peut être salutaire"




« Quelques questions à »... Christophe Chrun, Portfolio Manager of AQUA & Cabestan Quant Research, CEO

 

Dans l’esprit de nombre d’investisseurs, la gestion quantitative ou « quant » est souvent associée à quelque chose de compliqué. Que pouvez-vous leur dire ?

« Compliqué » de prime abord peut-être mais relativement simple et surtout transparente dès lors que l’on s’y intéresse un peu. La gestion quantitative est en effet un mode de gestion qui se base sur des modèles économétriques pour investir. Chez Alken AM, nos modèles sont purement techniques. Nous n’utilisons que les prix et les volumes comme facteur d’entrée ou de sortie pour nos stratégies.

Pour y parvenir, notre équipe de cinq personnes a passé trois ans à développer des stratégies propriétaires et les outils nécessaires à son bon fonctionnement. Aujourd’hui, nous disposons d’une plateforme puissante pour continuer à faire de la recherche.

Pourquoi faire de la recherche dès lors qu’on utilise des modèles mathématiques ?

Faire de la gestion quantitative ne se limite pas à trouver une idée et à l’exploiter. Au contraire, cela nécessite d’être à la recherche permanente de nouvelles stratégies qui viendront enrichir notre portefeuille et permettre de dégager du rendement.

Les investisseurs les moins convaincus vous objecterons qu’ils n’ont pas de fonds «quant » car ils ont déjà à leur disposition un fonds d’allocation d’actifs diversifié qui leur suffit amplement. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Un fonds « quant » a tout à fait sa place dans le portefeuille d’allocation d’actifs d’un investisseur. Pour s’en convaincre, il suffit de s’intéresser aux moteurs de rendement et aux facteurs de risque de chacun de ces types de placement.

Sur quoi se base cette certitude ?

Sur l’observation. Pour comprendre l’intérêt d’un fonds « quant » dans un portefeuille d’allocation d’actifs, il faut avant tout regarder les moteurs de rendement et les facteurs de risque pour chacune des stratégies mises à disposition des investisseurs.

Concentrons-nous d’abord sur ce que l’on appelle l’allocation d’actifs.

Justement, quelle est votre définition d’un fonds d’allocation d’actifs ?

Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je considère que ce type de stratégie consiste principalement à être un investisseur de long terme sur les actions et les obligations. En règle générale, les placements se répartissent à 40 % sur les actions et à 60 % en obligations avec essentiellement des obligations d’état. Bien sûr, la stratégie est active et des rebalancements de l’allocation peuvent se produire. Mais ils se font à la marge.

Dans une allocation d’actifs dite diversifiée, le principal moteur de rendement consiste à collecter ce que l’on appelle de la prime de risque. Autrement dit, le rendement supplémentaire qu’un investisseur recevra en détenant un portefeuille de marché plutôt que des actifs sans risque.

Mais cette stratégie a justement très bien fonctionné pendant longtemps, non ?

L’injection de liquidités décidée par les principales banques centrales au moment de la crise de 2008 et qui s’est poursuivie durant plus de douze ans a en effet imprimé un mouvement à la hausse des actions et des obligations. Pourtant, si tout cela peut sembler très robuste, encore faut-il s’interroger sur les facteurs de risque de cette stratégie.

Justement, à quel risque l’allocation d’actifs semble-t-elle la mieux adaptée ?

Il y a un risque auquel les stratégies d’allocation d’actifs résistent bien et qui ont fait leur succès. Considérons le cas où ce sont les anticipations de croissance qui ont donné une direction au marché. En d’autres termes, si les chiffres de PIB se révèlent meilleurs qu’attendu, le cours des actions va progresser. Au contraire, si une banque centrale comme la Fed américaine redoute une surchauffe de l’économie, les investisseurs peuvent logiquement anticiper une remontée des taux d’intérêt. Dans ce cas, le prix des obligations déjà émises va baisser afin que leur rendement augmente de manière à s’aligner avec l’anticipation de remontée des taux.

Tout cela signifie une chose : lorsque les anticipations de croissance donnent une direction aux marchés, les actions et les obligations sont anti-corrélées. Souvenez-vous qu’à l’été 2011, les actions ont baissé tandis que les obligations ont progressé. Le même phénomène s’est d’ailleurs produit en mars 2020 au début de la pandémie. Les fonds d’allocation d’actifs ont démontré dans ces cas leur résilience à la baisse des actions.

Mais que se passe-t-il alors si les actions et les obligations baissent simultanément ?

C’est effectivement le risque principal. Cela s’est produit en mai 2013 quand le patron de la Fed d’alors, Ben Bernanke, a mentionné pour la première fois le mot de « tapering » (réduction des aides massives au travers d’injection de liquidités). Cela a été un véritable « bain de sang » dans le portefeuille d’un grand nombre d’investisseurs. En effet, dès lors que vous retirez de la liquidité dans le marché, votre fonds d’allocation d’actifs qui vous paraissait si diversifié ne l’est plus tant que ça puisque tous les actifs dont les rendements proviennent d’une prime de risque voient leurs performances plonger rapidement. Aujourd’hui, un sujet comme le retour de l’inflation pourrait lui aussi bien faire baisser à la fois les actions et les obligations.

Dans un tel environnement de marché, que peuvent donc apporter les fonds « quant » aux investisseurs ?

Tout dépend de ce que l’on désigne par « fonds quantitatif ». La famille des « quant » regroupe deux catégories de produits.

Les produits « smart beta » qui comprennent entre autres les stratégies très répandues de suivi de tendances sur des horizons de quelques mois ou encore des stratégies de portage sur le marché des changes.

Ces stratégies présentent l’avantage de pouvoir gérer des montants très importants, ce qui correspond aux besoins de certains gros investisseurs institutionnels mais leurs rendements relatifs à leurs risques (risque mesuré par la volatilité des performances) est relativement faible. De plus, certaines de ces stratégies telles que le portage offre une diversification trompeuse : la plupart du temps ces stratégies vont se montrer décorrélées des marchés actions, mais dans lorsque ceux-ci corrigent fortement à la baisse, ces stratégies vont baisser également.

Pour notre part, nous nous focalisons sur la seconde catégorie des produits « quant », celle dite des « pure alpha ». Ce sont des stratégies dont les moteurs de rendement sont différents de ceux de la collection passive de prime de risque. Elles offrent la plus grande chance d’engranger de la performance tout en bénéficiant d’une décorrélation de performance lorsque les marchés dévissent. Notre fonds Alken Quant Alpha fait ainsi appel à des stratégies de trading court terme.

En quoi les moteurs de performance de votre fonds sont-ils différents de celui des fonds d’allocation d’actifs ?

Les flux de marché génèrent des inefficiences qui sont subtiles mais récurrentes et nos algorithmes arrivent à les détecter et à les exploiter. Nos stratégies opèrent sur des horizons de temps courts (moins d’une dizaine de jours). Elles peuvent prendre des positions acheteuses ou vendeuses sur des « futures » (contrats à terme cotés en bourse) sur les indices actions, obligations d’état, devises et commodités (énergie, métaux, grains…). Nous nous concentrons sur les stratégies permettant de générer la plus grande rentabilité possible. Et surtout, nous cherchons à passer le plus inaperçu possible sur le marché en réduisant l’impact que nous pouvons avoir. Cela permet d’optimiser notre rendement.

Si votre moteur de rendement est très différent de celui d’un fonds d’allocation d’actifs classique, qu’en est-il des facteurs de risque ?

Ils sont également différents dès lors que l’on s’attache à ce qu’ils le soient. Ce qui est important, c’est de vérifier dans nos portefeuilles que nous ne sommes pas exposés à des risques similaires à ceux d’un portefeuille d’allocation d’actifs. Nous ne voulons pas être des investisseurs de long terme sur les actions et les obligations. En ce sens, un portefeuille qui serait long sur les indices S&P 500 et Nasdaq américains, sur le pétrole WTI et qui serait court sur les emprunts américains dix ans ne serait absolument pas diversifié. Son facteur de risque principal serait en effet la croissance américaine.

J’ai volontairement pris cet exemple pour vous faire comprendre que nous faisons très attention à ne pas avoir en portefeuille une exposition trop significative à certains facteurs de risque.

En somme, ajouter un fonds « quant » dans un portefeuille d’allocation d’actifs permet de disposer d’un atout supplémentaire, c’est bien cela ?

Ajouter un fonds « quant » dans un portefeuille d’allocation d’actifs a du sens. C’est un élément de réelle diversification de par sa décorrélation (à ne pas confondre avec anti-corrélation), surtout dans des marchés baissiers.

Dans un environnement aussi compliqué qu’aujourd’hui, un fonds « quant » peut constituer une précaution supplémentaire. En particulier pour tous ceux qui considèrent qu’un fonds d’allocation d’actifs est diversifié parce qu’il est justement investi dans des actifs très différents. L’histoire nous a appris que parfois tous ces actifs peuvent baisser de façon simultanée. Dans ce cas, disposer d’une stratégie capable d’offrir de la décorrélation est toujours salutaire.


 





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