Le climat se dérègle mais le monde, lui, se met en règle. En coulisse, c’est même un véritable tsunami règlementaire ESG qui est en train de prendre forme. Une onde si importante que les plus gros lobbies, conservateurs ou climato-sceptiques échoueront à la stopper. La raison en est d’ailleurs très simple. Sous la pression croissante des investisseurs, soumis eux-mêmes à la pression croissante des opinions publiques, ce phénomène réglementaire lui aussi se mondialise. Ce faisant, il devient l’objet d’une lutte entre plusieurs visions et plusieurs modus operandi.
Au premier rang des prétendants de cette course nouvelle au leadership en matière de développement durable, l’étoile montante, l’Union Européenne. Celle dont le rayonnement ne semble pas faiblir depuis son succès international de la COP21 et qui ne ménage plus ses efforts depuis le lancement de son «European Green Deal». En outre, l’élaboration de la fameuse taxonomie européenne, conjointement à la nouvelle obligation des investisseurs de proposer des produits ESG et au nouveau cadre réglementaire de SFDR, forcera les investisseurs à mobiliser leurs investissements vers une véritable neutralité climatique. Face à elle se dressent maintenant les États-Unis. Ce partenaire outre-Atlantique, que l’on pensait hors course depuis le retrait du grand Accord de Paris, revient sur le devant de la scène. Il semble en effet avoir compris que l’investissement ESG sans pression réglementaire et dénoué de paramètres communs ne produit pas les effets attendus par la société publique et est loin d’atteindre les objectifs climatiques avancés. Voilà d’ailleurs pourquoi la SEC, le gendarme boursier américain, vient de légiférer sur une obligation sans précédent en matière de publication de données environnementales (1) . Un premier pas vers de probables actions coercitives contre les tentatives de greenwashing! La Grande-Bretagne enfin, est elle-aussi largement engagée dans la course, en grande partie grâce à l’élan donné en 2015 par Mark Carney, l’ancien directeur de la Banque d’Angleterre. Le cadre du TCFD est aujourd’hui considéré comme la référence absolue des informations des entreprises sur le risque financier lié au changement climatique.
Si ces favoris ont une longueur d’avance en matière de réglementation ESG, ces derniers sont loin d’être les seuls acteurs de cette pièce politico-ESG à rebondissements multiples. Soucieux de continuer à séduire des investisseurs devenus beaucoup plus exigeants en matière de placements responsables et durables, de grands pays du Sud sont également entrés dans la compétition. Numéro un mondial en termes d’émissions de gaz à effet de serre, la Chine teste aujourd’hui un modèle de divulgation obligatoire sur les questions de climat par les entreprises. L’Inde de son côté contraint ses 1 000 plus importantes entreprises à préparer un rapport annuel contenant des informations détaillées sur les facteurs ESG. La course à la transparence est donc bel et bien lancée.
Il est encore trop tôt pour se livrer à de quelconques pronostics sur le nom du gagnant final, mais une chose est en tout cas certaine. Une planète ESG est en train d’être créée. Si l’on accuse aujourd’hui un nombre d’émetteurs de trop étaler les micro-actions ESG pour noyer la réalité du terrain, et au même titre les investisseurs de multiplier les engagements ESG mais de continuer de prioriser les objectifs de rendements financiers, la nouvelle planète ESG permettra d’intégrer les critères ESG dans la valorisation financière de l’entreprise en comptabilisant par exemple le coût de la pollution générée par le transport maritime, mais aussi de rapidement identifier le degré réel d’intégration ESG de l’entreprise ainsi que son niveau de participation chiffré à la transition énergétique. Un véritable rêve éveillé pour les analystes ESG!
Avant de parvenir à ce stade ultime, la lutte pour la mise en place de ce nouvel arsenal se poursuit. Qu’elle soit nationale, continentale, transnationale ou non-gouvernementale, cette course à l’armement réglementaire ESG a en tout cas pour effet bénéfique d’essaimer une «pensée ESG» à travers le monde.
Reste maintenant à imaginer de quelle façon des standards internationaux en matière de gouvernance des entreprises, d’environnement et de minimums sociétaux peuvent se mettre en place à plus ou moins brève échéance. C’est ce que cet article se propose de faire.
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